Bien que le trouble neurocognitif ne soit souvent reconnu qu’aux stades modéré ou sévère, abordez le sujet de la cessation de conduire avec les patients âgés et leurs proches aidants avant un diagnostic potentiel. Cela leur donne l’occasion de s’ajuster progressivement à la possibilité qu’un jour ils pourraient ne plus être capables de conduire en raison de leurs problèmes médicaux. Le fait d’aborder le sujet tôt aide à préparer le terrain pour poursuivre la discussion. Un dialogue continu vous permet d’aborder à la fois les préoccupations pratiques et émotionnelles à mesure qu’elles se présentent.
Gérontopsychiatre :
- Je pense qu’un des aspects est si vous voyez le patient au stade
précoce. C’est probablement plus le cas pour les fournisseurs de soins de santé
de première ligne que pour les spécialistes, mais cela s’applique un peu à
vous. Souvent, lorsque vous rencontrez des personnes au début du trouble
cognitif léger qui peuvent probablement continuer à conduire, cela devrait être
l’un des points de discussion. Vous devriez discuter de choses comme d’établir
une procuration, de s’assurer que leur testament est en place et leur dire que
c’est un problème médical qui fait qu’un jour elles ne pourront plus conduire et que,
même si ce n’est pas pour aujourd’hui, elles doivent commencer à planifier en
conséquence. Et à ce moment-là, elles en ont un peu plus conscience.
Présentez l’aptitude à conduire comme un problème de santé en incorporant les discussions au sujet de la conduite automobile aux soins médicaux habituels. Expliquez qu’il y a plusieurs problèmes de santé courants chez les personnes âgées qui peuvent avoir un impact négatif sur la conduite automobile. Cette approche vous permet de couvrir une gamme de sujets de façon naturelle et sans intimidation dont :
- la nature progressive de la neurodégénérescence et son impact sur la conduite automobile;
- les autres options de transport et les façons de garder la personne atteinte de trouble neurocognitif mobile et socialement engagée, surtout si elle réside en milieu rural.
Gériatre :
- Je pense qu’il est très important de ne pas le présenter comme un problème d’âge. C’est un examen des préoccupations de santé. Comme pour les problèmes physiques, il est important de reconnaître que les problèmes cognitifs sont au moins une raison d’envisager une évaluation de la conduite automobile. Je pense donc que c’est un point vraiment utile sur lequel nous insistons souvent.
La recherche indique que les personnes atteintes de trouble neurocognitif veulent être impliquées dans la planification et la prise de décision relative à la cessation de conduire. Créer une atmosphère de respect et les aider à maintenir un sens d’indépendance en « ayant leur mot à dire » peut grandement faciliter la collaboration et la prise de décision partagée dans la mesure du possible.
Impliquer les aidants dans la discussion peut souvent encourager la collaboration. Lorsque vous expliquez les risques associés au trouble neurocognitif et la conduite automobile, ainsi que l’impact de la cessation de conduire sur la qualité de vie, les proches aidants peuvent manifester plus d’empathie envers les préoccupations de la personne atteinte de trouble neurocognitif. Il en résulte que les proches aidants peuvent être mieux préparés à avoir des discussions régulières et à soutenir la personne atteinte de trouble neurocognitif lors de la transition à la cessation de conduire. Il est important de faire attention en faisant face aux problèmes de confidentialité et aux tensions potentielles entre la personne atteinte de trouble neurocognitif et les proches aidants.
La stratégie en action
Ergothérapeute :
- C’est un peu un art… il n’y a pas de solution toute faite… Pour moi, c’est une question d’écoute et de compréhension. Quand vous leur parlez, vous posez des questions et ils vous répondent. Cela vous donne une idée d’où ils en sont et il devient alors un peu plus facile de tenter un peu sa chance… Dans notre domaine, je pense toujours que la porte d’entrée pourrait être verrouillée, mais qu’il doit y avoir une autre issue. Vous continuez à chercher doucement. Vous continuez à essayer de trouver un moyen d’établir la connexion et de leur faire réaliser, même si ce n’est qu’une graine
Gérontopsychiatre :
- Les membres de la famille sont un groupe mixte. Certains reconnaissent les préoccupations et s’en inquiètent. Parfois, ils sont la source de la pression pour faire évaluer la personne. Et parfois, c’est un défi supplémentaire lorsque vous avez un membre de la famille, comme un conjoint, qui compte sur cette personne pour ses déplacements. Et il dit alors que la personne est un bon conducteur et que vous êtes irraisonnable de lui retirer son permis.
Entretenez la confiance en étant direct(e) et honnête et en écoutant attentivement la personne atteinte de trouble neurocognitif et en comprenant la situation et les défis de ses proches aidants. Utilisez votre jugement pour évaluer s’il pourrait être utile de jouer le rôle du « mauvais » (c’est-à-dire le porteur de mauvaises nouvelles) comme façon de préserver les relations familiales. De même, selon le lieu, envisagez de placer l’autorité qui délivre les permis dans votre province dans le rôle du « mauvais » en expliquant votre obligation légale de déclarer une conduite non sécuritaire.
Pour valider et aider à gérer l’impact émotionnel sur toutes les personnes concernées, y compris vous-même, essayez ces approches pour faciliter les communications efficaces.
- Appuyez-vous sur d’autres meilleures pratiques – Discutez de la cessation de conduire de la même façon que vous discuteriez d’autres sujets sensibles, comme les soins de fin de vie ou un diagnostic de cancer.
- Utilisez des scénarios – Anticipez les réactions possibles et préparez-vous en répétant et en étudiant des « scénarios » écrits ou mentaux avant d’aborder la discussion au sujet de la cessation avec la personne atteinte de trouble neurocognitif ou ses proches aidants.
- Communiquez des données statistiques – Incorporez des statistiques aux discussions pour souligner ou illustrer les risques à conduire quand on est atteint(e) de trouble neurocognitif et l’importance de la cessation.
Voyez
Teepa Snow, une éducatrice en trouble neurocognitif de renom, recommander
des stratégies sur la façon de parler à une personne atteinte de trouble neurocognitif
qui est réticente à cesser de conduire. Dans cette vidéo (en anglais seulement), elle explique également ce qu’il ne
faut pas dire.
De plus, dans la vidéo ci-dessous, un professionnel de la santé utilise une gamme de techniques pour communiquer de façon efficace avec la personne atteinte de trouble neurocognitif.
Source : Dre Anna Byszewski
Médecin de première ligne :
- Je suis allé un jour à un atelier sur la façon d’annoncer de mauvaises nouvelles que tout le monde pensait être au sujet du cancer. Mais l’exemple utilisé était au sujet de la communication de la recommandation de ne plus conduire, donc, les stratégies pour commencer et poursuivre la conversation. Vous pourriez presque utiliser ce cadre ou modèle pour annoncer de mauvaises nouvelles.
Les personnes atteintes de trouble neurocognitif veulent participer au processus de cessation et les proches aidants ont besoin de l’aide des fournisseurs de soins. Par conséquent, privilégier une approche qui insiste sur une planification précoce de la cessation, lorsque possible, donne une chance à tout le monde de s’ajuster à son inévitabilité. Un accent sur la planification favorise également des communications continues, ce qui vous donne constamment des occasions de gérer la relation thérapeutique. Encouragez une approche inclusive et de soutien en utilisant directement les outils de planification suivants avec la personne atteinte de trouble neurocognitif ou en les recommandant aux proches aidants.
Entente et vidéo
Comme façon d’aborder le sujet de la planification pour quand la personne atteinte de trouble neurocognitif ne pourra plus conduire, envisagez de recommander ces ressources (en anglais seulement) :
- L’entente Agreement with my Family about Driving produite par l’organisme The Hartford. Il s’agit d’une entente qui décrit les désirs de la personne atteinte de trouble neurocognitif pour quand elle ne pourra plus prendre la meilleure décision au sujet de sa conduite automobile pour sa propre sécurité et celle des autres. Elle sert également de rappel utile si la personne atteinte de trouble neurocognitif ne se souvient pas qu’elle n’est plus censée conduire.
- La vidéo produite par l’Alzheimer’s Association au sujet d’une femme atteinte de trouble neurocognitif qui planifie avec sa famille pour quand elle ne pourra plus conduire.
Liste de contrôle des signes d’avertissement et vidéo
S’il n’est pas nécessaire que la personne atteinte de trouble neurocognitif cesse de conduire immédiatement, vous devriez conseiller aux proches aidants d’observer directement sa conduite automobile et d’être à l’affût de signes d’avertissement. Ils ne peuvent pas compter sur la personne atteinte de trouble neurocognitif pour reconnaître quand sa conduite est devenue non sécuritaire. Cependant, pour que les proches aidants fournissent une information utile, ils doivent avoir observé directement la personne atteinte de trouble neurocognitif au volant récemment. Recommandez ces ressources (en anglais seulement) :
Plan d’alternatives de transport
Conduire est certes une façon commode de se déplacer, mais ce n’est pas la seule. Pour garantir que la personne atteinte de trouble neurocognitif soit toujours en mesure de se déplacer et aussi indépendante que possible, travaillez avec elle, ou recommandez que ses proches aidants travaillent avec elle, pour développer un plan d’alternatives de transport. Il est important d’impliquer la personne atteinte de trouble neurocognitif afin qu’elle se sente respectée et ait un sentiment de contrôle. Suivez ces étapes :
1. Commencez par identifier les choses que la personne atteinte de trouble neurocognitif aime ou doit faire sur une base quotidienne, hebdomadaire, mensuelle et annuelle, comme de faire l’épicerie, de fréquenter des gens, d’aller au gymnase et de célébrer les anniversaires. Pour vous aider, téléchargez l’une de ces feuilles de travail produites par l’organisme The Hartford (en anglais seulement) ou recommandez-les aux proches aidants :
2. Ensuite, faites un remue-méninges sur comment faire les courses sans conduire. Par exemple, la personne atteinte de trouble neurocognitif pourrait être en mesure de modifier certaines habitudes. Au lieu de se rendre à la banque, le proche aidant peut mettre en place le paiement automatique des factures. Voici quelques autres suggestions :
- les services de livraison de repas (par exemple, popote roulante);
- les services de livraison et de commande en ligne (par exemple, épicerie, ordonnances, livres, journaux);
- les services offerts à domicile (par exemple, coiffeur, médecin, buanderie).
3. Puis, faites un remue-méninges sur comment la personne atteinte de trouble neurocognitif peut continuer à faire les choses qu’elle aime sans conduire. Cependant, gardez à l’esprit que de trop compter sur un seul proche aidant pour assurer toute la conduite automobile ou pour faire tous les arrangements de déplacement peut être très stressant et devrait être découragé. Essayez plutôt de partager les responsabilités de déplacement en utilisant divers moyens de transport.
Le recours à une variété d’options de transport diminue également l’isolement de la personne atteinte de trouble neurocognitif et élargit son cercle social. Au-delà de la famille et des amis, les options de transport possibles dépendent de la situation particulière de la personne atteinte de trouble neurocognitif, comme si elle vit en milieu urbain ou rural. Voici quelques suggestions :
- la famille et les amis;
- les membres d’un lieu de culte;
- le covoiturage;
- le transport en commun – mais, si la personne atteinte de trouble neurocognitif a tendance à se perdre, il faut que quelqu’un l’amène au moyen de transport et que quelqu’un d’autre la rencontre à destination;
- les taxis et les voitures avec chauffeur (par exemple, Uber ou Lyft) – mais, si la personne atteinte de trouble neurocognitif a tendance à se perdre, il faut que quelqu’un la rencontre à destination;
- les organismes communautaires qui offrent des services de chauffeur;
- les maisons de retraite qui offrent des services de navette;
- les services de livraison et de commande en ligne (par exemple, épicerie, ordonnances, livres, journaux);
- les services offerts à domicile (par exemple, coiffeur, médecin, buanderie);
- les services de livraison de repas (par exemple, popote roulante).
4. De plus, partagez ces Autres options de
transport pour la province ou le territoire de résidence de la personne atteinte de trouble neurocognitif.
L’apport de personne en position d’autorité
Expliquez aux proches aidants que des professionnels de la santé ont eu un entretien avec la personne atteinte de trouble neurocognitif ou lui ont remis cette lettre (en anglais seulement) provenant du Programme gériatrique régional de l’Est de l’Ontario et que d’autres personnes en position d’autorité pourraient être utiles pour renforcer le message de cessation, par exemple, un chef religieux, l’avocat de la famille ou un agent de police connu.
Calculateur des coûts du transport
Pour dissiper l’anxiété relative aux coûts associés aux autres options de transport, comme les taxis, recommandez la feuille de calcul Transportation Cost Worksheet produite par l’organisme The Hartford (en anglais seulement). Une fois que les coûts associés à la possession et à l’entretien d’une voiture sont comptabilisés, comme l’essence, les réparations et l’assurance, un grand nombre de personnes atteintes de trouble neurocognitif et de proches aidants sont surpris d’apprendre qu’il peut être moins coûteux de compter sur des taxis ou des voitures avec chauffeur.
Médecin de première ligne :
- Nous parlons souvent du recours aux membres de la famille pour essayer de résoudre les problèmes. Faire passer le message que si on n’a pas de voiture et que l’on économise le montant de l’assurance, par exemple, l’argent peut servir à prendre un taxi tout en faisant des économies.
Stratégies de dernier recours
Si rien d’autre ne fonctionne, recommandez aux proches aidants de :
- Stationner la voiture dans un endroit qui n’est pas immédiatement visible à la personne atteinte de trouble neurocognitif.
- Faire don de la voiture à un membre de la famille dans le cadre d’un accord avec ce dernier selon lequel il fournirait un certain nombre de déplacements. Ou aider la personne atteinte de trouble neurocognitif à vendre le véhicule.
- Ranger les clés de la voiture dans un endroit qui n’est pas visible ou utiliser un verrou de volant.
Il est important de reconnaître que vous pourriez faire face à de nombreux défis en facilitant le processus de cessation de conduire. En particulier, il peut être très stressant de gérer les réactions et les tensions qui peuvent survenir entre vous et la personne atteinte de trouble neurocognitif ou ses proches aidants. Idéalement, les outils de communication et de planification décrits ci-dessus aideront à réduire l’impact émotionnel sur la personne atteinte de trouble neurocognitif et ses proches aidants, ce qui devrait également réduire le vôtre. Voici des stratégies supplémentaires que vous pouvez essayer pour réduire le stress émotionnel.
Promouvoir des interactions positives avec les patients
- Motivez-vous à aborder tôt le sujet de la cessation et à le poursuivre dans le cadre du maintien régulier de l’état de santé, en reconnaissant que cela devrait permettre d’éviter de violentes réactions négatives si la cessation devient justifiée.
- Ne vous sentez pas obligé(e) de rendre parfaite chaque discussion sur la cessation. Les détails particuliers de chaque situation sont uniques et il en résulte que certains échanges se dérouleront mieux que d’autres. Si une interaction tourne mal, fixez simplement un autre rendez-vous et essayez d’utiliser une approche différente.
- Redirigez les réactions négatives de la personne atteinte de trouble neurocognitif en expliquant que, selon le lieu, vous êtes dans l’obligation de déclarer une conduite automobile non sécuritaire.
Assurer la liaison avec d’autres professionnels de la santé
- Obtenez le soutien de professionnels de la santé de première ligne. Ils peuvent comprendre la nature à long terme de la relation avec les patients et pourraient avoir des suggestions. Ils pourraient également bénéficier du partage d’expériences et relâcher le stress en discutant de problèmes.
- Si vous êtes un fournisseur de soins de première ligne, consultez des spécialistes. Ils reconnaissent l’importance de maintenir la relation thérapeutique entre le patient atteint de trouble neurocognitif et l’équipe de première ligne et pourraient par conséquent jouer le rôle de « mauvais » et assumer certaines des responsabilités de déclaration et une partie de l’impact émotionnel.
- Communiquez avec les experts en faute professionnelle pour obtenir du soutien et des conseils sur les problèmes médicaux et légaux (par exemple, l’Association canadienne de protection médicale ou la Société de protection des infirmières et infirmiers du Canada). Pour ce qui est de votre mieux-être, si vous êtes médecin, contactez l’Association médicale canadienne pour obtenir des stratégies et des ressources supplémentaires. Nous encourageons les ergothérapeutes à consulter les plans de santé et de mieux-être offerts par leur employeur.
Gérontopsychiatre :
- Cela ne me dérange pas que des médecins de famille qui veulent que je les aide avec une évaluation de la conduite automobile me recommandent des patients, car je peux parfois faire le rapport qui leur permettra de préserver leur relation avec le patient. Je sais à quel point il est difficile pour les personnes âgées au Canada d’obtenir d’excellents soins de première ligne et je veux faire tout ce que je peux pour préserver la relation entre le médecin de première ligne et le patient. Si je dois jouer le rôle de gardien ou de "mauvais", je suis disposé(e) à le faire.
Voici quelques sources d’information supplémentaires (en anglais seulement) :